Depuis la cellule n°4 de la prison d’Ofer, 03 juillet 2022
Monsieur le président,
Je vous écris cette lettre à l’approche du 14 juillet, cette date qui a changé la face du monde en portant les valeurs d’humanité et de démocratie, et qui a donné à la République française sa devise : « liberté, égalité, fraternité ».
Des normes et des valeurs humaines résultant d’une lutte menée par des centaines de milliers de Français pour se débarrasser de l’injustice, de la misère et des persécutions. La prise de la prison de la Bastille constitue encore pour moi une boussole indiquant le droit à l’autodétermination de tous les peuples.
Aujourd’hui par cette lettre, je veux simplement vous rappeler que je me trouve dans une autre Bastille qui a pour nom « Ofer », située dans les territoires palestiniens occupés. Je vous rappelle aussi que j’y suis en détention administrative pour la troisième fois, qu’il s’agit d’une forme de détention arbitraire pour laquelle les prisonniers ne font l’objet d’aucune mise en accusation, et se voient soumis à un tribunal militaire semblable à ceux qui sévissaient en France jusqu’à une période récente, lesquels avaient condamné à mort et confisqué sa citoyenneté au Général de Gaulle.
Savez-vous, Monsieur le Président, que je suis détenu dans les prisons d’une puissance occupante, reconnu par de nombreuses organisations des droits humains et par de experts des Nations Unies comme un régime d’Apartheid, et que l’un des motifs de cette qualification est précisément le recours à la détention administrative ? Il s’agit, comme l’a décrit le dirigeant sioniste Menahem Begin lors d’une session de la Knesset en 1951, d’une arrestation fondée sur « une loi tyrannique et immorale ».
Je souhaite ainsi vous demander aujourd’hui : comment pouvez-vous justifier le deux-poids deux-mesures dont vous faites preuve à l’égard des peuples victimes d’injustice ? Je vous ai entendu à plus d’une occasion défendre le peuple ukrainien, et évoquer sa douleur et ses souffrances. Vous oubliez, ou faites mine d’oublier, que le peuple palestinien subit l’oppression et l’occupation depuis 78 ans. L’État occupant est celui-là même que vous continuez à traiter comme un État au-dessus du droit international, tandis qu’il poursuit sa politique de nettoyage ethnique colonial et cherche chaque jour à déplacer le peuple palestinien de sa terre.
Aujourd’hui, je me sens, en toute franchise, citoyen français de quatrième ou cinquième classe, alors que la France tolère et autorise cet État occupant à prolonger ma détention sans inculpation et sans procès.
Monsieur le Président, les valeurs de liberté, de justice et d’égalité sont des valeurs indivisibles et constituent des droits inaliénables de tous les peuples. J’espère que vous aurez un peu de courage pour faire pression sur l’État occupant afin d’exiger ma libération.
Salah Hammouri